La Maroquinerie, le 28 mars 2002
…Joseph Arthur entre sur scène littéralement ovationné ; quelques instants lui sont nécessaires
pour empoigner sa guitare acoustique et de ce fait, imposer le silence à toute la salle. Il gratifiera
ce soir le public de ses nouveaux morceaux dont certains sont à paraître sur son prochain album et
d’autre tirés des quatre « Junkyard Hearts Ep ».
L’homme orchestre
L’existence d’une première partie a été révélé le soir même du concert de Joseph Arthur ;
Pina arrive. La chanteuse paraît bien petite par rapport à sa grosse guitare acoustique ;
le public vraisemblablement fatigué reste assis. Ses premières compositions sont interprétées
avec assurance et enthousiasme ; entre les titres la chanteuse exerce son français et fait part
de son plaisir à jouer à Paris. Les chansons se ressemblent toutes plus ou moins et l’ajout d’une
guitare en disto n’est que superflu.
Un rappel, sûrement prévu pour combler l’attente avant l’arrivée de Joseph Arthur, durant lequel
elle interprète un air traditionnel irlandais, des applaudissements, puis le noir se fait
dans la salle…
Equipé d’une simple guitare acoustique, de deux micros, d’une pléthore de pédales et d’effets,
et fidèle à sa technique du loop, Joseph entame sa 1ère chanson. Martèlement sur sa guitare,
frottement de cordes, des paroles bien énigmatiques : « I’m in your life » répétées tout au long de
la chanson comme une incantation. Joseph Arthur expérimente, enregistre des sons étape par étape
pour ensuite les réintégrer par un simple geste du pied sur une pédale pour tenir lieu de rythmique,
de chœur… Comme un véritable chef d’orchestre il discipline ce méli-mélo de bruits pour concevoir
un ensemble où chaque son a sa place et sa raison d’être. Le voir faire est tout aussi captivant que
de l’entendre. C’est « Bill Wilson » qui prend la suite, Joseph Arthur semble ici avoir rangé au fond
de son placard son humeur cafardeuse; il est passé de la dépression la plus noire à la mélancolie la
plus douce ; la différence est bien sensible mais pour le chanteur elle marque certainement une
nouvelle direction. Après « Tattoo », il offre un superbe morceau ponctué d’un arpège de guitare
un rien délicat et l’achève par un « freedom, run away, run away tonight » amplifié, qui s’imprègne
au plus profond de chaque spectateur. Joseph met immédiatement fin à cette envolée certes belle,
mais qui ne fut qu’une parenthèse dans ce concert sombre et expérimental ; des sons de guitare
stridents suivis d’un « I’ll die for you » se font entendre, tout cela n’est qu’un prélude à ce qui
suit; le morceau se termine par un chaos sonore où cris et sons de guitare électriques se confondent.
Suivent une série de morceaux acoustiques : « I donated myself to the mexican army », un religieux
« Invisible Hands » et le plus que ravissant « In The Sun » aux cours desquels Joseph Arthur se
révèlera également être un très bon chanteur; il aura donné un aperçu de ses capacités vocales,
passant du grave à l’aigu, du cri au soupir. Qui préférer entre la douce voix
d’ « Innocent World » et celle de « Prison » qui crache : « prison inside myself » ?
Autant d’oppositions qui ont fasciné le public durant ce que l’on peut appeler un « one man show ».
Au sortir de la salle une image reste, celle d’un Joseph Arthur un peu fou mais savant et divin pour
autant.
Rita Carvalho